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Les femmes gardiennes de Ravensbrück

Le Mémorial national de Ravensbrück a inauguré le 13 septembre 2020 une exposition sur les femmes gardiennes de l’ancien camp de concentration. Des photos troublantes illustrent le quotidien de celles qui faisaient preuve d’une cruauté sans pareil envers les détenues. 

 

Un groupe de surveillantes du camp de Ravensbrück avec un berger allemand, photo privée, MGR/SBG, no. 2019/5.

Dirigé par des hommes (Max Koegel de 1939 à 1942 puis par Fritz Suhren de 1942 à 1945), le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück a essentiellement été surveillé par des femmes. Entre 1939 et 1945, environ 3340 jeunes femmes ont été recrutées et formées pour surveiller les détenues, recense le Mémorial de Ravensbrück.

 

Profil des gardiennes

Qui étaient les nouvelles recrues, d’où venaient-elles, quelles furent leurs motivations, comment se sont-elles comportées avec les détenues et comment ont-elles été jugées ? L’exposition sur les gardiennes de Ravensbrück essaie de répondre à ces questions. Inaugurée le 13 septembre 2020 par la nouvelle directrice du Mémorial, Dr. Andrea Genest, elle dresse le portrait de ces femmes gardiennes, parle de leurs origines, tout en analysant leur relation à la violence, leur évolution professionnelle et leurs procès.

 

En général, ces « employées » du Reich étaient originaires de la région de Fürstenberg. Si certaines gardiennes se sont portées volontaires, d’autres furent placées d’office par les agences pour l’emploi de l’époque. Logées dans de confortables pavillons, non loin des somptueuses villas habitées par les dirigeants SS du camp, nombreuses furent les candidates au poste qui n’ont pu résister aux « alléchantes » conditions matérielles qu’on leur proposait. 

 

 

La Binz

Ce fut le cas de Dorothea Binz, une gardienne célèbre pour sa grande cruauté. Fille d’un forestier des environs, cette gardienne se montra particulièrement sadique dans ses fonctions. Elle se lia d’amitié avec celle qu’on appelait la « Hyène d’Auschwitz », Irma Grese,  formée au camp de Ravensbrück. Selon Sarah Helm, auteure de l’ouvrage « Et si c’est une femme. Vie et mort à Ravensbrück », Dorothea Binz avait grandi dans un univers familial violent. Atteinte de tuberculose, elle ne put achever sa scolarité et lorsque le poste de gardienne de camp se présenta, ce fut une vraie aubaine pour elle. Un logement confortable et une bonne paie n’ont pas manqué de convaincre la jeune allemande qui ne rêvait que de reconnaissance. Dans son bel uniforme, elle ne tarda pas à attirer les regards des soldats SS sur elle. 

 

Pavillon gardienne
Pavillon des gardiennes du camp de concentration de Ravensbrück

 

Le cas de Johanna Langefeld

Autre célèbre gardienne: Johanna Langefeld. Arrivée avec le premier convoi de femmes du camp de concentration de Lichtenburg (Saxe) en 1939, elle devient la surveillante en chef du camp. En 1942, elle fut envoyée à Ausschwitz pour diriger le nouveau camp pour femmes. A la fin de l’été 1942, elle revint à Ravensbrück mais fut licenciée quelques mois plus tard suite à un conflit avec ses supérieurs.

Arrêtée par les américains en 1945, elle fut livrée aux autorités polonaises. En 1946, lors d’un incroyable coup de théâtre, elle réussit à s’évader de la prison où elle était incarcérée près de Cracovie. Cette évasion est couronnée de succès grâce au soutien d’anciennes détenues. Son histoire a fait l’objet d’un film documentaire réalisé en 2018 par Wladek Jurkow & Gerburg Rohde-Dahl, intitulé « The case of Johanna Langefeld ».

Photo exposition Ravensbrueck
Photo de l’exposition sur les gardiennes du camp de concentration de Ravensbrück

 

Des photos surprenantes

Au delà du cas de Johanna Langefeld, qui demeure exceptionnel, l’exposition relate différentes trajectoires de femmes gardiennes. Des photos d’époque surprenantes montreront ces « forces auxiliaires féminines » de la SS dans des scènes de vie quotidienne qui contrastent fortement avec la cruauté des actes qu’elles ont pu commettre. On verra ces femmes s’occuper de leurs enfants, souriantes au milieu de leurs collègues ou resplendissantes lors d’un week-end en bateau sur le lac de Schwedt.  Des images troublantes qui rappellent le célèbre ouvrage d’Hannah Arendt, « La banalité du mal ». 

 

Pavillon nazi
Pavillon des dirigeants nazis du camp de concentration de Ravensbrück

Publication Septembre 2020


Pour en savoir plus, lire l’article sur le camp de Ravensbrück 

Site du Mémorial national de Ravensbrück