Espagne,  Madrid,  Reportages

Quelle solution pour le bidonville de Madrid ?

Ancien chemin de transhumance, la Cañada Real abrite aujourd’hui le plus grand bidonville d’Europe. 

Sur les murs bordant un long chemin de terre poussiéreux, des enfants ont dessiné un bulldozer jaune venu détruire des maisons. Ces maisons sont celles de la Cañada Real, considéré comme le plus grand bidonville d’Europe. 8000 habitants y auraient été recensés en 2011. Mais personne ne sait exactement combien de personnes y vivent réellement.

Une immense « chabola »

Cette immense « chabola » sans accès aux services publics est devenue la pomme de discorde des trois municipalités (Madrid, Coslada et VaciaMadrid) qu’elle traverse. Divisé en 6 secteurs, ce bidonville présente un panorama très hétéroclite : des maisons pavillonnaires jouxtent des entrepôts en ruine ou des taudis faits de bric et de broc. 

Le supermarché de la drogue

La zone la plus problématique est sans aucun doute le secteur 6, surnommé le supermarché de la drogue. Ici, se trouve le cœur du trafic de drogue de la capitale. Zone de non-droit, ce secteur, réputé être le plus dangereux, ressemble à une énorme décharge. 

Mais pour la Cañada Real, une difficulté: son évolution très disparate Certains secteurs ressemblent plus à des zones pavillonnaires qu’à un bidonville. Miguel Martin, 59 ans, vit dans une de ces maisons en pierre. En tant que porte-parole de l’association des voisins du secteur 5, il se réunit régulièrement avec les présidents des autres secteurs et les autorités pour trouver une sortie au problème de ce no man’s land où se côtoient des petits pavillons avec des taudis en tôle, des caravanes ou des édifices faits de bouts de ficelle. Miguel plaide pour une légalisation de ces parcelles illégales.

Des petits jardins ouvriers 

Il explique que tout a commencé dans les années 70 lorsque des madrilènes sont venus installer illégalement des petits jardins ouvriers sur cet ancien chemin de transhumance, qui descendait du nord de l’Espagne jusqu’à la capitale. Miguel Martín, 59 ans se souvient comment lui et ses parents venaient y passer le week-end pour faire du jardinage. Comme l’état laissait faire, ils ont construit une cabane, puis une maison dans laquelle Miguel et sa femme vivent encore aujourd’hui. « A la fin du régime franquiste, circulait la rumeur que le chemin avait été rétréci et que les parcelles libérées n’appartenaient plus à personne. Les maisons ont poussé alors comme des champignons”, raconte Miguel. Ensuite, des gitans et des immigrés fuyant les loyers exorbitants de Madrid sont venus s’y établir. 

La menace des bulldozers 

Avec l’extension de la capitale, les terrains sont devenus très attrayants et les promoteurs n’ont pas tardé à vouloir s’en emparer. Sous la menace, les espagnols ont vendu, sans contrat, “leurs propriétés” aux immigrés. Et nombreux furent ceux qui ont tout perdu, ignorant leurs moyens de défense face aux menaces de délogement. 

Comme Abdul, un jeune marocain qui a vu en octobre 2007 sa maison disparaître sous les pelleteuses. Avec l’aide des voisins, il l’a reconstruisit pierre par pierre. Mais en février 2012, le cauchemar recommence. Les forces de l’ordre sont venues en pleine nuit pour évacuer sa femme et ses deux enfants. Ils vivent désormais dans une roulotte non loin de là. 

 

Ruines bidonville
Ruines du bidonville de la Cañada Real

Famille, victime des bulldozers

Mara, une petite gitane de trois ans qui joue sur la route poussiéreuse, se souvient aussi comment un beau matin de février 2011, la police est arrivée avec les bulldozers. Il était 6 heures du matin. “Ils ont cassé mes jouets, détruit ma maison”, raconte-t-elle. Depuis Mara et sa famille vivent dans un auvent de fortune devant les décombres de leur demeure.

 

Tensions et inquiétude 

Depuis, les habitants sont inquiets. C’est pour exprimer leur souffrance que Miguel a réalisé dans son jardin une réplique du Guernika de Picasso. “J’ai commencé juste après les démolitions. On associe souvent la Cañada à l’insalubrité ou au marché de la drogue. Mais il n’y a pas que des choses négatives. Je voulais montrer qu’ici aussi, on pouvait créer de l’art”. 

Une solution proche ? 

Mais deux problèmes se posent: à quel prix seront vendus les terrains à leurs pseudo-propriétaires et combien de personnes vivent là réellement. Personne ne le sait exactement. Le dernier recensement fait état de 8000 personnes mais en réalité, il y en aurait beaucoup plus, peut-être 40 000. Car avec la crise, les plus défavorisés sont venus trouver refuge dans ce monde sans existence légale. 

Miguel Martin reste optimiste. Il croit dans une solution proche: “A l’autre bout de la Cañada, les constructions ont été légalisées depuis les années 80. On espère qu’il en sera de même pour nous tous.” Mais pour le moment aucune solution en vue pour résoudre ce casse-tête chinois même si depuis 2017, les trois municipalités travaillent ensemble pour essayer de trouver une porte de sortie.