Les madrilènes pleurent un café emblématique
Le Café Comercial, une institution madrilène vieille de 128 ans, a mis la clé sous la porte. Les madrilènes pleurent la fermeture de ce haut-lieu de la culture madrilène. Ils se demandent quelle est la multinationale qui a racheté leur café.
Eté 2015. Felipe Majani, 61 ans, a encore du mal à y croire. Après 36 ans de fidèles et loyaux services, il ne viendra plus travailler au Café Comercial. Il contemple bouche bée les passants qui viennent coller sur les baies vitrées du café des petits cœurs sur lesquels ils viennent exprimer leur dépit suite à l’annonce de la fermeture subite du café le plus ancien de la capitale. C’était en plein été 2015.
« Les chefs nous ont convoqué le lundi à 9 heures pour nous communiquer que le café fermait le jour même », raconte le serveur. « On est resté sans voix », dit-il. Pendant la fatidique réunion, aucune raison n’a été donnée aux 17 serveurs présents sur les 19 en service. Le mystère est total quant aux motifs qui ont poussé les deux propriétaires, Isabel Contreras et Maribel Serracato à mettre la clé sous la porte. Celles-ci refusent de donner des explications, au grand désarroi des madrilènes. «On était comme une famille. Et maintenant, ils nous ont tous laissé sur le carreau », dit Felipe d’un air triste, tout en se rappelant le futur incertain : « Il va falloir lutter pour avoir notre dû car ce qu’ils veulent nous donner n’est pas suffisant ».
Les madrilènes perplexes
Figé devant les portes closes du café, Felipe regarde les badauds recueillis devant l’établissement. « On ne s’imaginait pas que les gens avaient tant d’affection pour ce café », dit-il.
Perplexes le sont aussi les passants. Ils se sont aussi retrouvés nez à nez avec l’affiche datée du 27 juillet « fermé pour interruption des affaires». Un mélange de tristesse et colère se lit sur les visages mais aussi sur les petits bouts de papier en forme de cœur laissés par les madrilènes sur la baie vitrée de leur café.
« Sans toi, rien ne sera plus comme avant », « hécatombe culturelle, ayez honte », « une partie de Madrid s’en va avec ta fermeture », « c’est ici que j’ai concocté mon premier film en Espagne, merci», « Manuela, fais quelque chose », « Non à la fermeture ».
Un haut-lieu culturel
Situé au cœur du quartier madrilène de Malasaña, le Café Commercial était une véritable institution, le lieu de rendez-vous de tous les madrilènes. C’est en 1887 que les premiers propriétaires avaient obtenu leur licence, souligne le quotidien El País. Car plus qu’un café, le Comercial était le haut-lieu des « tertulias » (débats), de rencontre pour les représentants de la culture espagnole.
Ecrivains, artistes, journalistes, musiciens et cinéastes aimaient fréquenter cet endroit. Ses partitions sous le bras, David Aijon, pianiste, s’y rendait régulièrement « C’est comme si j’avais perdu ma deuxième maison », dit-il consterné.
Quelle multinationale a repris le café ?
Et sur toutes les lèvres, une même question : à quelle entreprise a été vendue le café historique ? « On soupconne tous la reprise par une multinationale. C’est triste », commente Carmen, une habituée. Chez les plus jeunes, même consternation : «C’est 128 ans d’histoire. L’abandonner simplement pour l’argent, ca fait de la peine », remarque Adrian, 24 ans. Quant à Victor, 27 ans, il se dit en colère que la capitale « puisse perdre de plus en plus d’endroits qui avaient une importance significative pour les remplacer par des établissements qu’on trouve dans le monde entier ». Il s’étonne que dans une ville comme Madrid, il n’y ait aucune loi en vigueur sur le patrimoine historique.