Un samaritain espagnol veille sur les marins
Depuis 1986, l’Espagne veille sur les pêcheurs avec deux bateaux hôpital: le Juan de la Cosa dans l’Océan Atlantique et l’Esperanza del Mar près des Iles Canaries. Ces deux navires sont équipés pour accueillir les malades et blessés recueillis en mer et les soigner comme sur terre.
Au début de chaque mois, un singulier va-et-vient anime le port de pêche de Santander. A quai, un bateau de 80 mètres de long paré d’une croix rouge sur le flanc. C’est le bateau hôpital Juan de la Cosa. Les marins qui pêchent dans les eaux du Golfe de Gascogne, à Gran Sole en Irlande, ou aux Acores l’appellent l' »Ange gardien », en hommage à son labeur.
L’Espagne est le seul pays au monde à veiller sur les pêcheurs en Atlantique et possède depuis 1986 deux bateaux de ce type: l’Esperanza del Mar aux Iles Canaries et le Juan de la Cosa à Santander.
Répondre aux appels de détresse des marins
Aujourd’hui, les 27 membres de l’équipage du Juan de la Cosa se dépêchent de prendre la relève de leurs compagnons. Il faut faire vite car les 600 pêcheurs qui chassent le thon au large des côtes de l’Atlantique peuvent lancer à n’importe quel moment un appel de détresse. La nouvelle équipe médicale, dont deux médecins, une infirmière et un assistant, s’apprêtent à monter à bord pour mener à bien leur mission.
Le patron du Tuku Tuku est le premier à alerter par radio le capitaine Ramon Argibay, qui est ce mois-ci aux commandes du Juan de la Cosa. Un de ses marins, Carlos Rubiano, a le genou enflammé depuis quelques jours. “Pour les pêcheurs, l’existence du Juan de la Cosa est vital. Ils peuvent ainsi continuer à pêcher pendant qu’on s’occupe des malades et économisent du carburant en évitant de retourner à terre”, explique le capitaine Ramon.
Le patron du bateau de pêche appelle par talkie-walkie le docteur José Manuel Gonzalez Vallecillo qui, s’empresse d’aller sur la passerelle pour faire son diagnostic. Il recommande d’administrer au malade un médicament que le patron du Tuku Tuku trouve dans la boite à pharmacie que chaque embarcation doit obligatoirement avoir.
Des pêcheurs reconnaissants et rassurés
Tandis que le capitaine du Juan de la Cosa note la position du bateau de pêche, José Manuel dit au patron du Tuku Tuku qu’il prendra des nouvelles du patient dès le lendemain.
Un jour plus tard, Carlos Rubiano a encore plus mal au genou. Fidèle à sa mission, le Juan de la Cosa a profité de la nuit pour se rapprocher de l’embarcation. Sans hésiter, l’équipe médicale enfourche le zodiac pour porter secours au souffrant. “Dans le doute, nous préférons toujours voir le patient car les choses peuvent vite se compliquer. Une fois sur place, on juge s’il est nécessaire d’amener le patient à l’hôpital”, explique José Manuel.
Les pêcheurs, eux, se disent reconnaissants de savoir qu’ils peuvent être secourus à tout moment. “C’est très rassurant pour nous”, dit Oscar Serrano, le marin du bateau francais Farpesca, qui suite à une chute, s’est fait soigner sur l’hôpital flottant. Comme lui, 250 autres marins ont été assistés par les médecins du Juan de la Cosa entre 2010 et 2011.
Une mission de sauvetage
L’équipage du Juan de la Cosa
Ramon Argibay Fernandez, le capitaine
Ramon Argibay Fernandez, 51 ans, est au gouvernail du Juan de la Cosa depuis 2011. Le jeune garcon timide et brillant, né à La Corogne, ne savait pas que sa vocation marine allait lui faire réaliser ses rêves les plus fous. En 2003, c’est lui qui commande le Kraken, un bateau d’expédition parti à la recherche du calamar géant. Puis son destin l’amène à tenir la barre du navire de recherche océanographique le plus moderne d’Espagne. Mais parmi tous les bateaux insolites qu’il a commandé, c’est le bon Samaritain qui fait battre son coeur.
Mayte Ramirez Gomez, bras-droit du capitaine
Mayte Ramirez Gomez, 39 ans, est le numéro deux du Juan de la Cosa. Ca fait maintenant 18 ans qu’elle navigue depuis qu’elle a décroché son diplôme de captaine. Pour elle, la mer c’est une vocation. Elle en rêvait depuis toute petite, bercée par les récits de son grand-père, lui aussi marin au long cours. Ses yeux brillants trahissent son secret: Mayte brûle d’être aux commandes de l’hôpital flottant. Elle se dit fière et heureuse de contribuer au “travail humanitaire” du Juan de la Cosa.
José Manuel Gonzalez Vallecillo, médecin
José Manuel Gonzalez Vallecillo, 55 ans, est un médecin pas comme les autres. Ce qu’il aime, c’est la médecine d’aventure, pas celle des hôpitaux saturés où règne l’anonymat. Sur le Juan de la Cosa, Lolo, comme on l’appelle ici, s’occupe des patients du début jusqu’à la fin. En 1990, il répond à l’appel de la mer en embarquant sur les premiers bateaux hopitaux, fruit d’une initiative franco-espagnole. C’est à lui que le Juan de la Cosa doit sa conception et son équipement ultramoderne. Depuis la naissance de l’hôital flottant en 2006, Lolo n’a pas quitté son bébé.
Les femmes à bord du Juan de la Cosa